SOMMAIRE
  Exposition Universelle de Paris en 1900 - Pavillon de la Bosnie-Herzégovine
Notes :   L’Autriche-Hongrie présenta lors de cette manifestation une exposition autrichienne, une exposition hongroise et trois pavillons autonomes : ceux de l’Autriche, de la Hongrie et de la Bosnie-Herzégovine. Celui-ci fut érigé Quai des Nations à Paris et Mucha fut commissionné pour réaliser une partie de la décoration intérieure. Il dessinera les croquis pour les 2 statues symbolisant l'artisanat du textile et exécutera la fresque supérieure du grand hall retraçant (très librement) l'histoire du peuple bosniaque. Une médaille d'argent fut décernée au pavillon.
 Pour ce travail Mucha loua un grand atelier près du site de l'exposition. Il y réalisera, ainsi que dans son atelier du Val-de-Grâce, de nombreux travaux préparatoires, dessins et photographies.
 Les titres des œuvres variant selon les auteurs, seuls figurent ici ceux cités dans l'article de Abel Fulcran César Fabre paru dans Le Mois Littéraire et Pittoresque (N° 17 Mai 1900, pages 579-598).Cf. : Biographie.

  Contexte géopolitique

  Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine à l'exposition internationale universelle de Paris en 1900 Suite au Congrès de Berlin du 13 juillet 1878 l'Autriche-Hongrie obtint le droit d'administrer pendant trente ans la Bosnie et l'Herzégovine pour le compte de l’Empire ottoman. Elle s'était engagée à redresser et civiliser avec ses propres deniers ces deux provinces ravagées par de multiples conflits.

  En 1897 la Double Monarchie participa à l'exposition internationale universelle de Bruxelles. Elle y présenta une section consacrée à la Bosnie-Herzégovine. Béni Kállay (1839-1903), hongrois d'origine et alors ministre des finances et administrateur de cette province, avait désigné Henri Moser (1844-1923) commissaire d'exposition. Moser était le fils d'un célèbre horloger suisse et natif de Saint-Petersbourg. Peu enclin à s'occuper de la gestion des affaires familiales en Russie il avait préféré consacrer sa vie à l'exploration, l'éthnographie et la géographie. Très vite il avait acquis la réputation d'un éminent orientaliste. Kállay choisit Moser sans doute parce qu'il avait pour beau-frère Benedek Mikes, héritier d'une riche famille d'aristocrates de Transylvanie très influente à la cour de Hongrie. Il le nomma également représentant officieux de la Bosnie-Herzégovine à Paris, le chargeant de relayer sa propagande touristique et économique. En vue de la préparation de la manifestation Moser publia deux guides touristiques: An oriental holiday, Bosnia and Herzegovina. A handbook for the tourist (London-1895) et L'Orient inédit, à travers la Bosnie et l'Herzégovine (Paris-1895). L'exposition de Bruxelles permit d'apporter un éclairage nouveau sur une région encore méconnue en Europe. Les visiteurs internationaux découvrirent alors avec engouement et curiosité un pavillon de style islamique, sorte de fortin trapu perché sur des piliers et dont l'accès se faisait par des passerelles. Les façades extérieures étaient recouvertes de grands paysages peints. Le roi des belges, Léopold II, déclara après l'avoir visité que le pavillon était l'un des plus beaux et que le pays avait accompli d'incontestables efforts.

  Le 9 septembre 1893 le président français Sadi Carno décréta officiellement, avec la nomination du commissaire général Alfred Maurice Picard (1844-1913), que la France organiserait la prochaine exposition internationale universelle à Paris en 1900. Cette manifestation, inaugurale d'un siècle nouveau, était voulue comme la synthèse d'un siècle révolu et le sacre de la fée électricité.

  La Double Monarchie avait, à cette date, entrepris la restructuration administrative et industrielle de la province. De nombreux équipements publics avaient été réalisés, une administration locale développée, l'industrie rationalisée, l'enseignement public et l'accès au soins de santé améliorés. Cependant le niveau intellectuel et social d'une population majoritairement rurale peu réceptive aux bienfaits du progrès peinait à s'améliorer. Si la Bosnie-Herzégovine avait atteint une prospérité économique toute relative, l'équilibre politique demeurait très fragile. Les privilèges inégalitaires accordés aux communautés religieuses contribuaient à entretenir le mécontentement des populations, les serbes de Bosnie-Herzégovine souhaitaient se rapprocher de Budapest. Ailleurs dans l'Empire des bohémiens membres du parti des « Jeunes Tchèques » faisaient valoir un idéal d'autonomie voire d'indépendance, les roumains de Transylvanie affichaient la même arrogance et une opinion pro-slave gagnait du terrain en Europe, surtout en France. Kállay avait à coeur de convaincre au plus tôt l'Europe de la pertinence et l'efficience de sa politique, non par suffisance mais parce que, en préalable à l'annexion définitive de la Bosnie-Herzégovine, il fallait empêcher le réveil des nationalités et endormir la diplomatie internationale. Panslavisme et libéralisme menaçaient la Double Monarchie d'effondrement. Kállay, afin d'isoler les bosniaques de toute influence extérieure, avait été contraint de renforcer militairement les frontières et prendre des mesures restrictives souvent perçues comme injustes. Il comptait sur les croates pour s'opposer aux serbes, tandis qu'il s'appuyait sur les serbes pour s'opposer aux croates. A l'instar des monténégrins ils souhaitaient s'approprier ces provinces. Kállay voulait développer chez les bosniaques une « conscience nationale », quels que soient les moyens d'y parvenir, avec in fine l'établissement durable de l'autorité d'un empire qui s'affirmait garant de la stabilité politique en son sein et à ses frontrières. Toutefois, parce qu'il était pro-slave (sa mère était serbe) et que les bosniaques étaient majoritairement slaves, sa ligne de conduite était plutôt modérée: faire le bien en limitant autant que possible le mal. Attitude qui pourrait sembler contradictoire mais Kállay, en bon fonctionnaire, ne laissait pas ses convictions influer sur son mandat. Idéologue calculateur et manipulateur, cet habile courtisan disposait de réseaux d'influence et de communication efficaces. Il les sollicitait sans retenue, de même il ne se privait pas d'utiliser les médias comme arme de propagande de masse pour relayer ses discours démagogiques. La Hongrie avait déjà pu, de cette façon, reconstruire son image en France, celle d'un royaume moderne et libéral plutôt que oppresseur et obscurantiste. Kállay n'imaginait pas un instant échouer avec la Bosnie-Herzégovine ; fort des succès passés Kállay avait l'intention de renouveler ses efforts à Paris en 1900.

  La Double Monarchie avait décidé d'être représentée à Paris par trois pavillons non connectés et gérés de maniére indépendante, ceux de l'Autriche, de la Hongrie et de la Bosnie-Herzégovine. Trois commissaires généraux d'exposition furent désignés: Franz Wilhelm Exner (1840-1931), Béla de Lukáts (1847-1901) et, en toute logique, Moser fut reconduit dans ses fonctions. Trois hommes francophiles ayant une parfaite connaissance des milieux parisiens. La mission de Moser s'inscrivait dans la continuité mais s'annonçait d'emblée plus complexe. Des moyens limités et peu de temps. Fin 1899 les plans du futur pavillon de la Bosnie-Herzégovine dessinés par Karel Pánek (1860- ), architecte morave renommé de Sarajevo, furent achevés. Moser les soumit aux deux principaux artistes choisis pour en décorer l'intérieur: Alfons Maria Mucha (1860-1939) et Adolph Kaufmann (1848-1916). Le choix de ces artistes n'était pas initialement le fait de Moser, toutefois il ne s'y opposa pas. Il connaissait le parcours artistique des deux hommes et leur réputation. Mucha avait travaillé à Vienne comme peintre décorateur avant de s'installer à Paris. Il était réputé être un artiste commercial au style novateur. Kaufmann avait étudié et vécu à Paris avant d'installer son atelier à Vienne. Il était un Corot autrichien très apprécié en France et dans le reste de l'Europe. C'est à lui que sera confiée la réalisation d'un diorama de Sarajevo.

  Mucha devait s'atteler à la réalisation d'une grande frise historique, de deux grandes statues allégoriques, d'un menu pour le restaurant du pavillon et de divers motifs décoratifs. Pour Moser Mucha présentait l'avantage d'être un artiste très réactif et familier des grands formats. Son style « moderne », en rupture avec l'art conventionnel, pouvait être perçu comme la justification du transfert d'un artisanat confidentiel vers l'instauration d'une industrie d'Art maîtrisée, expression d'un « art bosniaque » officiel ancré dans une identité nationale. Il pensait que l'impact produit sur le public s'en trouverait accentué et que le contenu serait plus lisible. Un cycle bosniaque mettrait en valeur le rôle fondateur des trois religions qui cohabitaient alors en Bosnie-Herzégovine. La rémunération prévue pour Mucha était anormalement élévée (30.000 couronnes). Kállay se montra très généreux envers lui, il bénéficia également d'un voyage à Vienne et dans les Balkans afin de réunir une documentation pertinente sur le sujet. C'est ainsi que Mucha visitera le musée national de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo dirigé par Konstantin Hörmann (1850– 1921) qui, avec Ćiro Truhelka (1865-1942), conservateur chargé de l'installation de la partie historique (mission qu'il avait déjà assumée à Bruxelles), avaient été choisis pour conseiller Moser. Il est à noter que les intellectuels pragois ont alors considéré le choix de Mucha comme un nouvel affront infligé aux peuples slaves, beaucoup pensaient qu'il avait renoncé à son identité culturelle et ne pouvait donc être représentatif de l'Art slave. Artiste au service de l'industrie Mucha devenait subitement artiste au service d'une propagande d'état. A cette époque Mucha végétait, comme beaucoup d'autres artistes, soumis à une industrie grande consommatrice d'images, il cherchait à s'extraire de sa condition et s'engager dans un parcours artistique plus en adéquation avec ses ambitions. En 1898, malgré ses réticences, ce fervent catholique accepta d'être reçu en la loge francmaçonnique "Les Inséparables du Progrès” à Paris (Grand Orient de France) et se laissa convaincre que l'Art pouvait sublimer l'expérience mystique et conduire l'humanité vers la fraternité et la lumière. Il décida alors d'amorcer un virage artistique qui se concrétisera peu après par la publication de son ouvrage Le Pater (F. Champenois et H. Piazza, Paris- 1899). La commande reçue pour la décoration du pavillon bosniaque, en lui fournissant l'occasion de promouvoir une union fraternelle slave, participait de cette démarche.

  Dans le même temps Mucha avait accepté d'autres contrats. Pour le pavillon autrichien il lui fut commandé une affiche, des couvertures de catalogues et guides, une présentation du Le Pater et deux tapis pour la Compagnie Ginzkey. La bijouterie Fouquet et la parfumerie Houbigant, deux maisons parisiennes, lui avaient confié la décoration de leurs stands. Sans oublier une dizaine de contributions mineures s'inscrivant dans le cadre de l'exposition et divers engagements pris hors contexte. Mucha s'était installé dans un hangar proche des lieux d'exposition en compagnie d'une dizaine d'élèves issus de son atelier artistique. Il disposait également de son atelier dans son appartement parisien, malgré tout Moser craignait que, en raison de cette surcharge de travail, Mucha ne puisse tenir ses engagements. Pourtant ce ne sera pas du côté de Mucha que surviendront les difficultés. L'élévation du pavillon était commencée quand l'architecte Pánek en contesta l'organisation spatiale intérieure. C'était une petite construction en comparaison des pavillons autrichien et hongrois, la répartition et la taille de 17 sections sur deux étages avait été déterminée afin d'optimiser l'espace de circulation et ne pas brouiller la communication visuelle. Pánek remettait surtout en cause l'espace réservé à l'emplacement de la frise. Moser, qui ne voulait pas voir la progression des travaux ralentie, proposa plusieurs alternatives que Pánek refusa. Mucha accepta tout autant d'adapter son travail mais Pánek méprisa toutes ses propositions. Moser ne comprenait pas l'attitude rigide de Pánek, ce dernier semblait penser que la contribution de Mucha était démesurée et son travail d'architecte dévalorisé. Moser dut se résoudre à trancher autoritairement et décida de préserver l'aménagement initial souhaité par Hörmann et donc l'intégrité de la frise. Le retard causé par ce contretemps lui faisait, bien plus encore, redouter que la frise ne puisse être achevée à temps. Craintes qui s'avérèrent infondées, Mucha terminera un mois avant l'inauguration officielle de l'exposition le 14 avril 1900 par le président de l’époque Émile Loubet (1838-1929), 10 jours avant l'ouverture du pavillon à la presse.

  Le pavillon était situé au bord de la Seine (Quai des Nations), entre les pavillons de la Hongrie et de l'Autriche. C'était un bâtiment de taille moyenne, toutefois il était difficile de l'ignorer. Panek disait s'être inspiré de la forteresse de Gradačac érigée en 1824 par Husein-kapetan Gradaščević (1802-1834). Crépie de blanc, percée de loggias ou oriels en bois et d'arcades réparties de manière asymétrique, il en fit une construction plus tarabiscotée, moins grossière et au style indéfinissable qualifié par certains de « néoislamique ». De la vigne vierge grimpant sur les murs accentuait le dessin des arcades, apportant une touche ornementale inattendue. La mise en place de mannequins costumés en ouvriers dans les loggias ajoutait un peu de fantaisie à l'ensemble. Il en émanait une impression de fraîcheur bien rendue dans l'aquarelle que Mucha publia dans le Figaro illustré du 1er Mars 1900.

  Il n'existe pas de documentation photographique complète de l'intérieur du pavillon, toutefois divers chroniqueurs en ont décrit plus ou moins sommairement l'aménagement. L'accès au pavillon se faisait côté Seine par un monumental portique. Le hall d'entrée, dont le plafond était recouvert d'un ample vélum, était surplombé d'une galerie s'étendant de part et d'autre du hall central. Orné d'étoffes et broderies il accueillait la reproduction de l'intérieur d'un appartement bosniaque et d'un haremlik. Cette pièce était séparée du hall principal par un portique sculpté laissant entrevoir au fond un diorama de Sarajevo inclus dans un grand arc décoré de voussoirs. Au premier plan de celui-ci des mannequins costumés semblaient sortir du paysage. Cette pièce, ouverte sur 2 niveaux, était délimitée par deux rangées de colonnades de marbres roses définissant l'accès aux travées latérales qui supportaient les galeries supérieures dédiées à l'industrie, l'agriculture, l'éducation et aux infrastructures. Il accueillait des collections animalières, archéologiques, ethnographiques et historiques. Les élèves de l'Ecole d'Art de Sarajevo y présentaient des oeuvres en bronze et métal réalisées d'après les dessins du sculpteur et médailleur Heinrich Kautsch (Prague, 1859–1943), des orfèvres délégués par des grandes maisons françaises telles Cristofle ou Krieger exposaient des pièces réalisées en collaboration avec les ateliers gouvernementaux. Devant le diorama, parmi nombre de tapis, pièces brodées ou tissus disposés en désordre, des jeunes filles travaillaient sur des métiers à tapisserie et des chassis à broder, mettant en valeur l'artisanat traditionnel. De part et d'autre trônaient deux statues allégoriques monumentales, ‟la fileuse” et ‟la brodeuse”, créées par Mucha et réalisées par le sculpteur Auguste Seysses (1862-1946). Elles se dressaient dans de grandes niches, chacune surmontée d'un guerrier bosniaque à cheval placé devant des bannières et tentures. On pouvait aussi admirer deux plus petits dioramas, les chutes de la Pliva à Jaïce et la source de la Bouna. Le plafond était constitué de larges baies vitrées aux coloris variés. Le sous-sol incluait les sections consacrées aux Forêts, la Chasse et les Mines ainsi qu'un restaurant gastronomique dirigé par un grand chef français. Mucha avait réalisé une illustration pour le menu montrant une jeune serveuse en costume traditionnel présentant un service à thé, cette même composition fut utilisée pour une plaquette souvenir. Mucha l'avait composée selon un schéma identique à celui déjà utilisé pour les affiches Moët & Chandon, sans grande originalité créatrice.

  Moser avait su optimiser chaque centimètre carré sans alourdir l'atmosphère et gêner la circulation des visiteurs, une gageure si on rajoute à l'ensemble les multiples ornementations de style ottoman et la frise de Mucha. Cette frise se déroulait sur trois murs à hauteur du premier étage jusqu'au niveau de la verrière. La mitoyenneté des murs avec les galeries supérieures faisait qu'ils avaient été percés de fenêtres ou moucharabiehs et de portes donnant sur des balcons d'où pendaient de grandes tentures. Ainsi qu'il avait été convenu elle était divisée en trois bandes: une bande supérieure consacrée aux contes et légendes folkloriques, en-dessous une plus imposante représentant un cycle historique et enfin une bande florale soulignant l'ensemble. Mucha avait fait venir dans son atelier de nombreux modèles qu'il costumait et photographiait. Afin d'optimiser son travail il utilisa la technique du quadrillage pour reporter fidèlement à l'échelle désirée clichés et tracés préparatoires. Il avait fait le choix de travailler à la tempera sur une toile tendue sur des chassis en bois. Stylistiquement et techniquement il ne fit preuve d'aucune audace, mélange d'aplats de couleurs délavées délimités par des tracés noirs et d'ornementation islamique. Il aurait sans doute préféré user d'un style plus académique mais Moser souhaitait une oeuvre qui s'inscrivait dans la modernité, non pas un anachronisme.

  Mucha n'a laissé aucun descriptif ou argumentaire sur ce travail, la seule source connue est celle de l'historien et critique d'art Abel Fulcran César Fabre (1872-1929). Suite à un entretien avec l'artiste il fit paraître un long article sur Mucha et son oeuvre dans Le Mois Littéraire et Pittoresque de Mai 1900, intitulé Mucha - Un Maitre Décorateur: Après Une Visite Au Pavillon De Bosnie. Mucha collaborait comme illustrateur à cette revue depuis sa création, revue qui faisait bonne place aux articles de Fabre. Bien que laconique la description qu'il donne du cycle historique fut suivie ultérieurement par défaut. Ce spécialiste des religions ne fit aucun commentaire sur son contenu, se contentant de nommer ainsi les douze tableaux: « 1, 2, et 3. Les trois âges préhistoriques. Rien de Cormon: tout est joli. 4. La période romaine. Devant une construction ionique, des jeunes filles sous un vélum. 5. L'arrivée des Slaves. 6. Devant le tribunal: le serment du glaive. Un Ancien rendant la justice. 7. Les premiers apôtres chrétiens. 8. Une vengeance des Bogomiles, hérétiques du XII siècle. 9. Couronnement d'un roi de Bosnie. 10. 1l et 12. Les trois religions du pays figurées par trois groupes: des architectes de mosquées, la bénédiction de l'eau chez les orthodoxes, la confirmation catholique. ». Il est pertinent de penser que Fabre s'en est tenu aux explications fournies par Mucha qui, lui-même, s'était conformé aux recommandations de Hörmann. Le flou volontairement entretenu participe d'une volonté de faire d'un passé chaotique une chronologie historique cohérente et simplifiée, voire simpliste. L'absence de repères historiques précis associée à un schéma narratif neutre et redondant confère au cycle bosniaque une certaine platitude et naïveté accentuées par le manque de relief du traitemenent artistique. L'allusion faite à l'oeuvre du peintre français Fernand Cormon (1845-1924) résume assez bien l'impression générale qui émanait de l'oeuvre. Alors que Cormon réprésentait les hommes préhistoriques avec une certaine crudité, Mucha, quant à lui, cédait à un esthétisme pusillanime. Fabre s'attardera sur deux des scènes inscrites sur la frise supérieure: La soeur unique et Ivo et Anitza extraites de l'ouvrage de Mathilde Colonna (pseudonyme) Contes de la Bosnie (Paris, Per Lamm: 1898). Il ne fait aucun doute que, sur les conseils de Hörmann, Mucha y a puisé son inspiration. Toutefois il semble que ni lui ni Fabre n'eurent conscience que ce livre, présenté dans le pavillon, avait été commandé par Kállay pour supporter sa propagande. Ainsi que le signale Voyslav Mate Yovanovitch (1884-1968) dans son livre « La Guzla » de Prosper Mérimée, étude d'histoire romantique (Paris, Hachette-1911) il s'agissait d'un grossier ramassis de lieux communs et également un plagiat de l'ouvrage La Guzla, ou choix de poésies illyriques, recueillies dans la Dalmatie, la Bosnie, la Croatie et l’Herzégowine (Strasbourg-1827), talentueuse supercherie littéraire publiée anonymement par Prosper Merimée (1803-1870) qui n'avait alors jamais visité ces régions. La frise située au-dessus du diorama de Sarajevo réalisait la jonction entre le début et la fin de la frise. Son contenu, la présentation des richesses agricoles (élevages, vignobles, tabac et forêts), ne laisse nulle place à l'ambiguïté même si l'inquiètude perceptible sur les visages des personnages rompt l'ambiance buccolique de la composition. Mucha, qui pensait que les mythes sont constitutifs de l'Histoire, avait été utilisé comme vecteur d'une mystification. Qu'il l'ait ignoré ou non il avait trouvé là l'opportunité d'exprimer ses sentiments pro-slaves et se présenter au monde comme un artiste portant haut et fort une idéologie unificatrice et pacificatrice. De toute évidence son travail n'a pas été perçu sous cet aspect, chroniqueurs et critiques de l'époque n'y virent qu'un charmant travail décoratif, préférant reprendre à l'identique le discours policé de Kállay sur la Bosnie-Herzégovine et énumérer les récompenses obtenues par le pavillon. Malgré sa médaille d'argent Mucha dut se rendre à l'évidence que, prétendre vouloir se faire remarquer parmi 83000 exposants et retenir l'attention d'une partie des 50,8 millions de visiteurs, n'avait été que pure vanité.

  Mucha s'éloignera peu à peu de la France. Dès 1904 il tentera d'asseoir sa réputation aux U.S.A. avec un seul objectif en tête: financer ce qu'il considérait devoir devenir son oeuvre majeure: une monumentale ‟Epopée slave”.

  A la mort de Kállay en 1903, la Double Monarchie abandonnera l'idée de présenter des pavillons indépendants aux expositions et renoncera à poursuivre son programme de propagande. Le 24 juillet 1908 la révolte des « Jeunes Turcs » provoqua la chute de l'Empire ottoman. Le 5 octobre 1908, trente ans après les accords de Berlin, l'Empire austro-hongrois annexa unilatéralement la Bosnie et l'Herzégovine, le même jour la Bulgarie proclamera son indépendance, puis la Crète son rattachement à la Grèce... L'escalade des tensions diplomatiques et le jeu des alliances politiques plongeront inexorablement le monde dans le plus effroyable des chaos.

  Christian Richet
CONTENU :
1900 : Photographie. Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine.

   Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon montrant les 2 statues un une partie de la fresque.

   Photographie de l'intérieur du pavillon. Statues et fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon montrant les 2 statues un une partie de la fresque.

   Photographie de l'intérieur du pavillon. Statues et fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Partie de la fresque.

   Partie de la fresque zoom


1900 : Photographie. Intérieur du pavillon. Les 2 statues.

   Les 2 statues zoom


1899-1900 : Fresque. Détail de la frise florale inférieure. Tempera sur toile (reconstitution) 86 x 251 cm et 86 x 248 cm. France : Paris - Musée d'Orsay. Inventaire : RF 1979 67.

   Frise florale inférieure zoom


1899-1900 : Fresque. Frise supérieure. Tempera sur toile 140 x 650 cm. France : Paris - Musée d'Orsay. Inventaire : RF 1979 68.

   Frise supérieure zoom


1899-1900 : Fresque. Frise supérieure. Tempera sur toile (reconstitution) 136 x 1351 cm et 135 x 149 cm. France : Paris - Musée d'Orsay. Inventaire : RF 1979 69 A-B-C.

   Frise supérieure zoom


1899-1900 : Fresque. La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition. Tempera sur toile 255,7 x 641 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition zoom


1899-1900 : Fresque. Les trois âges préhistoriques. Tempera sur toile 353,5 x 687,5 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. Les 3 âges préhistoriques zoom


1899-1900 : Fresque. Les trois religions du pays : La confirmation - La bénédiction de l'eau chez les Orthodoxes - Les architectes musulmans. Tempera sur toile 356 x 705 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. La confirmation - La bénédiction de l'eau chez les Orthodoxes - Les architectes musulmans zoom


1899-1900 : Fresque. Les premiers apôtres chrétiens (détail). Tempera sur toile 356 x 377,5 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. Les premiers apôtres chrétiens zoom


1899-1900 : Fresque. Devant le tribunal de l'Ancien : Le Serment du Glaive (cette partie est attenante à la précédente). Tempera sur toile 345 x 400 cm. Collection privée.

   Fresque. Devant le tribunal de l'Ancien : Le Serment du Glaive zoom


1899-1900 : Fresque. La période romaine - L'arrivée des Slaves. Tempera sur toile 349,5 x 730,5 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. La période
romaine - L'arrivée des Slaves zoom


1899-1900 : Fresque. La vengeance des Bogomiles - Le couronnement d'un roi de Bosnie. Tempera sur toile (une partie au centre est manquante) 355 x 713 cm. République tchèque : Praha - Uměleckoprůmyslové museum. Inventaire : GS 19843.

   Fresque. La vengeance des Bogomiles - Le couronnement d'un roi de Bosnie zoom


1900 :
Mucha réalisa également des documents publicitaires pour le Le Restaurant du Pavillon bosniaque.

Souvenir de l'Exposition Universelle Paris 1900. Lithographie. Imprimerie F. Champenois, Paris.

   Souvenir de l'Exposition Universelle Paris 1900 zoom


1900 : Menu du Restaurant de la Bosnie-Herzégovine. Lithographie 32,7 x 12,5 cm. Imprimerie F. Champenois, Paris. Variante de la composition.

   Menu du Restaurant de Bosnie-Herzégovine zoom


1900 : Étude pour le Menu du Restaurant de la Bosnie-Herzégovine. Aquarelle et crayon. 62,5 x 24,5 cm.

   Étude pour Menu du Restaurant de Bosnie-Herzégovine zoom


1900 : Épreuve lithographique pour le Menu du Restaurant de Bosnie-Herzégovine. 63,5 x 26 cm. Imprimerie F. Champenois, Paris. Collection privée.

   Menu du Restaurant de Bosnie-Herzégovine. Épreuve lithographique zoom


ANNEXE :
1899 : Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Aquarelle peinte d'après les croquis de l'architecte Carlo Panek (1860-) qui dessina les plans du pavillon. Reproduit dans Figaro Illustré.

   Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Aquarelle zoom


1899 : Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Étude pour l'aquarelle.

   Le pavillon de la Bosnie-Herzégovine. Étude pour l'aquarelle zoom


1899-1900 : Photographies. Modèle posant pour la statue La Brodeuse.

   Modèle posant pour la statue La Brodeuse zoom
 

   Modèle posant pour la statue La Brodeuse zoom

1899-1900 : Photographies. Modèle posant pour la statue La Fileuse.

   Modèle posant pour la statue La Fileuse zoom


   Modèle posant pour la statue La Fileuse zoom

   Modèle posant pour la statue La Fileuse zoom  

   Modèle posant pour la statue La Fileuse zoom U.S.A. : Massachusetts, Worcester - Worcester Art Museum.

1899-1900 : Étude pour Devant le tribunal de l'Ancien : Le Serment du Glaive.

   Devant le
tribunal de l'Ancien : Le Serment du Glaive. Étude zoom


1899-1900 : Étude pour La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition.

   La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition. Étude zoom


1899-1900 : Étude pour Le couronnement d'un roi de Bosnie.

   Le couronnement d'un roi de Bosnie. Étude zoom


1899-1900 : Étude pour Les trois âges préhistoriques. Reconstitution. Encre de Chine et fusain sur bristol entoilé. France : Paris - Musée du Louvre, département des Arts graphiques. Inventaire : RF 37330 recto, RF 37329 recto, RF 37328 recto, RF 37326 recto, RF 37327 recto.

   Les trois âges préhistoriques. Étude zoom


1899-1900 : Les trois âges préhistoriques. Étude photographique.

   Les trois âges préhistoriques. Étude photographique zoom


1899-1900 : Étude pour La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition. Fusain sur bristol entoilé 61 x 149 cm. France : Paris - Musée du Louvre, département des Arts graphiques. Inventaire : RF 37331 recto.

   La Bosnie offrant ses Produits à l'Exposition. Étude zoom


1899-1900 : Légendes populaires bosniaques. Études pour la frise supérieure. Reproduit dans Zlatá Praha.

   xLégendes populaires bosniaques. Étude zoom
 

   Légendes populaires bosniaques. Étude zoom  

   Légendes populaires bosniaques. Étude zoom

1899-1900 : Légendes populaires bosniaques. Étude photographique pour la frise supérieure.

   Étude photographique zoom


1899-1900 : Les trois religions du pays : La confirmation - La bénédiction de l'eau chez les Orthodoxes - Les architectes musulmans. Études photographiques.

   Les trois religions du pays. Étude photographique zoom
 France : Paris - Musée d'Orsay. Inventaire : PHO1979-78.

   Les trois religions du pays. Étude photographique zoom  

   Les trois religions du pays. Étude photographique zoom

1899-1900 : La période romaine - L'arrivée des Slaves. Étude photographique.

   La période romaine - L'arrivée des Slaves. Étude photographique zoom
Collection privée.

1899-1900 : Modèles posant dans l'atelier. Étude photographique.

   Modèles posant dans l'atelier. Étude photographique zoom
France : Paris - Musée d'Orsay. Inventaire : PHO1979-77.


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